Alaric, l'homme d'âge avancé aux veines saillantes et à la peau marquée par une vie d'adversité, avait glissé une cuillère en argent dérobée lors d'un de ces rares repas qu'ils leur donnaient. Un objet dont la flamboyance contrastait drastiquement avec le décor lugubre de leur prison. L'idée semblait absurde, creuser un trou sous les barreaux de leur cellule avec une simple cuillère. Pourtant, Lysandre n'avait plus rien à perdre et l'espoir qui brillait dans les yeux bleu grisâtre d'Alaric était contagieux. Jour après jour, nuit après nuit, ils creusaient. Les doigts ensanglantés et meurtris, ils grattaient la pierre ancienne, si dure que seules de minuscules particules s'en échappaient. Plus les jours passaient, plus Alaric se rapprochait de Lysandre. Il lui parlait de son ancienne vie, de sa famille, des erreurs qu'il avait commises. L'amitié entre ces deux hommes que tout opposait se renforçait à chaque coup de cuillère. Alaric, avec son esprit taciturne et réfléchi, avait décelé chez le soldat une âme meurtrie par la trahison. Une âme malgré tout emplie d'une bienveillance exceptionnelle. Lysandre, de son côté, avait trouvé en Alaric un mentor, un guide. Il admirait sa résilience face à l'adversité et sa quête incessante de liberté. Alors que les lueurs du crépuscule se perdaient dans le sombre créneau de leur prison, Alaric donna un dernier coup de cuillère qui fit jaillir une cascade de gravats. Le tunnel était fin prêt. Les deux hommes épuisés s'accordèrent alors un dernier regard. L'ultime étape de leur quête était sur le point de commencer.